Les enjeux

L’acte de construire est incontestablement une activité à très fort impact sur l’environnement. Quels que soient les choix et les méthodes constructives, quel que soit le bilan carbone visé, réaliser un bâtiment signifie laisser une trace – parfois indélébile – sur le territoire, et utiliser des énergies considérables pour le faire. Nous, architectes, concepteurs, maître d’œuvre, élus, aménageurs, promoteurs, constructeurs, devons faire la ville en ayant conscience de cette constatation. Les interrogations qui se posent, qui animent la recherche récente de SCAPE, sont nombreuses. Pouvons-nous, en toute conscience, continuer à bâtir ou faut-il suspendre toute nouvelle construction, comme le revendique Charlotte Malterre Barthes, architecte et enseignante-chercheuse à la Harvard Graduate School of Design, en prônant le Global Moratorium on New Construction ? Leo Longanesi, grand intellectuel italien qui a traversé le XXe siècle et toutes ses contradictions, affirmait que les Italiens préfèrent l’inauguration d’un bâtiment à son entretien (« Alla Manutenzione l’Italia preferisce l’Inaugurazione »). Pour paraphraser cette citation célèbre, on pourrait se demander si nous devons cesser les inaugurations et concentrer nos efforts sur la conservation du patrimoine bâti existant ?

Sommes-nous capables d’apporter une réponse à la question posée par la 17e Biennale d’Architecture de Venise : How will we live together ? Comment vivrons-nous, comment saurons-nous vivre, cohabiter, entre êtres humains et avec les autres espèces, avec nos différences, nos exigences variables de cadre de vie ? Existe-t-il réellement une manière de construire durable, respectueuse de l’environnement, de la nature, de la biodiversité, du vivant ?

Nous croyons fermement que toute réponse univoque à ces problèmes complexes n’est qu’une posture démagogique. Nous devons agir afin que les investissements économiques et intellectuels se concentrent sur des principes fondamentaux, appelés à devenir une exigence pour tout projet : remettre le temps long au centre de l’acte de construire ; inscrire le bâtir dans une logique de cycle ; intégrer au projet une réflexion tient compte de

– l’entretien, la maintenance : soigner un bâtiment est un acte nécessaire, que les concepteurs doivent chercher à rendre simple et abordable

– le réemploi des matériaux : penser le chantier d’aujourd’hui comme une possibilité pour les chantiers futurs ;

– l’usage : trouver le point d’équilibre entre la capacité à répondre aux besoins actuels et s’adapter aux évolutions imprévisibles du futur ;

– la méthode : continuer la ville en considérant que le vivre-ensemble passe nécessairement par le faire-ensemble,et ainsi réinterroger la méthode de travail entre les parties prenantes.